J’ai la chance de croiser de nombreux auteurs et de nombreux éditeurs sur les Salons du livre. Je parle avant tout des artisans, ceux qui sont passionnés et le plus souvent loin des têtes de gondole. Ceux qui se lèvent à 5 heures du matin pour installer un stand à 4 ou 8 heures de trajet de chez eux, ceux qui payent l’emplacement, l’essence et les repas. Ceux qui ne repartent pas en avion mais quelques heures après la fermeture du Salon, après avoir démonté les planches, remis les livres restants dans les cartons, les avoir portés dans leurs minuscules voitures… Ceux qui ne sont pas invités sur leurs noms… Tous ces artistes que j’admire forment une famille et non pas un réseau. Ils décorent leurs tables de leurs couleurs, de petits objets pour attirer l’œil, ils ont le sourire sincère et le regard curieux. Ceux-là sont des écrivains, des vendeurs de rêves, des travailleurs acharnés. Ceux qui ont du mal à convaincre un libraire de commander et de ne pas proposer de dépôt…
J’ai la chance de les côtoyer car je fais aussi partie de cette famille, une petite maison d’édition et des auteurs courageux et enthousiastes voilà qui ce qui accompagne mon chemin. Aucune course à la notoriété, non juste chercher à provoquer l’échange avec un public de lecteurs qui veut sortir des sentiers battus. Pour les lecteurs qui ont envie d’une littérature différente et sensible…
Bien entendu, nous rêvons tous de gagner notre vie en travaillant ainsi, mais les illusions salariales ne remplaceront jamais toutes ces heures offertes à la passion. Oui, c’est vrai, le secteur du livre est en crise, oui c’est difficile de se faire une place au milieu des éditeurs reconnus qui peuvent vendre des livres au format poche ou à des prix intéressants car ils tirent en grand nombre.
Je ne cherche pas une place, je me sens bien ainsi. Salon après salon… je suis épuisée, parfois abîmée par les différences de traitements entre les auteurs et les Hauteurs… mais je ne lâche rien. Simplement parce que je ne suis pas dupe, parce que j’ai conscience des cloisonnements, des hiérarchies et que changer de secteur ne m’intéresse pas. Je n’aimerai pas devenir un numéro comme tous ces auteurs perdus dans les couloirs des grandes maisons et si désabusés d’être rentrés dans un système plutôt que dans une famille.
Cette attitude m’attire bien des ennuis, souvent on me reproche une certaine forme de naïveté… Si seulement. Non, je suis juste heureuse de croire assez fort en mes rêves pour les réaliser. Peu importe la finalité, je suis persuadée que l’essentiel est le chemin parcouru bien plus que le but fixé. Et comme je le disais j’ai la chance de côtoyer des êtres travailleurs, talentueux, humbles et rêveurs, des êtres qui n’attendent pas que tout leur arrive. Avancer, ne pas subir, ne pas remettre au lendemain et surtout croire en soi.
Il y a un côté marginal dans tout ceci, celui de foncer tête baissée dans un mur de livres déjà si bien consolidé par de grands groupes depuis tant d’années.
Lorsque je fais le compte de mes rencontres je m’arrête parfois à ceux qui ont une tête aussi ronde qu’un melon… C’est un tort. Il suffit que je recompte pour réaliser que la majorité est constituée d’artistes dont on ne connaît ni le nom, ni le visage mais dont on reconnaît immédiatement le talent lorsque l’on s’arrête sur leurs lignes.
Et je pense sans cesse à eux, car si je m’accroche malgré les obstacles, malgré les hypocrisies, malgré ceux qui cherchent à nous écraser, c’est bien parce que je crois en eux, en nous. Et ce n’est pas demain la veille que cela va s’arrêter !
Merci à ceux que j'observe, que j'admire et qui renforcent, jour après jour, mes convictions... Alzabane éditions, Hong Fei, Anna Chanel, Balivernes, Grrr...Art, Les Histoires Sans Fin, les éditions du Jasmin, In-Fusion, In Octavo, Benjamin médias, Cyrille Audebert, Liza Bardin, Monique Le Dantec, Frédéric Vignale, Le Vampire actif, Florence Dell'Aiera, Séverine Vidal, Eva Lunaba, Mandor, Emmanuel Parmentier, Anne-Sophie Demonchy, Bruno Bonvalet, Jean-Noel Lewandowski, Marie Barrillon, Hervé Croenne, Lokomodo, Edith Peille, les Dysjonctés, Neil Thomas, Jo Von Haff, Léa Jane, tous les auteurs Volpilière... et tellement d'autres encore que je ne peux tous les citer !
Super touchant !! Bravo ! Tu as tellement raison et de loin ! Il existe des liens qu'on ne peut briser..........
Rédigé par : Neil | 05 octobre 2010 à 07:54
Tellement vrai... J'aime "notre" famille. Nous ne sommes peut-être pas des stars, mais nous sommes tous des passionnés.Et ça, ça n'a pas de prix...
Rédigé par : Emmanuel Parmentier | 05 octobre 2010 à 08:04
Les pieds ancrés dans les "Hauteurs", il lève les yeux vers le ciel. Ebloui par le soleil, il ne voit pas passer les oiseaux libres.
Chère Elisabeth, merci pour ce papier sensible. Bonne route et à bientôt.
Loïc
Rédigé par : Loïc | 05 octobre 2010 à 10:16
Il y a des auteurs "têtes de gondole" qui restent des écrivains avides de contacts avec des lecteurs, justement pour replonger au coeur de leur passion et s'échapper un peu des relations désincarnées et purement médiatiques dans lesquelles leurs éditeurs essayent de les enfermer. Heureusement, et c'est un pur plaisir de pouvoir échanger alors avec eux. L'énervant des salons que vous décrivez est davantage celui des "auteurs" people et assimilables, qui souvent n'ont pas écrit la moitié du quart de leur prose, et venus faire acte de pur commerce. Ainsi en est-il de l'industrie éditoriale moderne ! Mais quantité et qualité constitueront toujours deux pôles qui se rencontrent rarement.
Rédigé par : Yurani Andergan | 05 octobre 2010 à 14:13
Yurani je suis d'accord avec vous j'ai aussi rencontré des auteurs talentueux et accessibles sans melon à la place du visage. Ainsi Damien Luce est un être remarquable ou bien encore Marie-Florence Gros... Et quelques autres, mais l'envers du décor est tout de même bien cynique et je préfère parler de tous ces artisans. L'édition n'est pas un biseness c'est un mode de vie. C'est quelque chose de si fort qu'on ne peut cesser...:)
Rédigé par : E | 05 octobre 2010 à 14:28
Bravo, magnifique plaidoyer pour les petits auteurs et les petits éditeurs, qui n'ont de petit que les a-priori que certains introduits dans le système leurs portent, mais qui sont bien plus grands qu'eux, dans leur coeur et dans leur passion. Merci pour ces belles lignes.
Rédigé par : Monique Le Dantec | 05 octobre 2010 à 19:25
J'admire sincèrement la passion qui t'anime, Elisabeth !
Rédigé par : Delphine | 05 octobre 2010 à 21:13
Oh, je fais partie de la liste ! Ça me touche ! :-) ♥
Rédigé par : Jo Ann v. | 06 octobre 2010 à 03:05
Bjr Elisabeth,
Je viens de tomber par hasard sur ton article et je te remercie de me citer. C'est extrêment gentil de ta part.
Bonne soirée
Marie BARRILLON
Rédigé par : Marie BARRILLON | 06 octobre 2010 à 20:10
C'est juste magnifique et d'une justesse tellement parfaite...C'est nous tous qui te remercions d'écrire cela. Et nous tous qui t'admirons.
Rédigé par : Jean-Sébastien Blanck | 07 octobre 2010 à 23:56
et bien, j'étais très touchée de lire ton article, et encore plus, en voyant que tu me cites... merci ! On va se croiser à Montreuil, si ce n'est avant, pour un petit café à l'école ??
bises
Rédigé par : séverine | 31 octobre 2010 à 21:33