Tatiana de Rosnay est à la fois un(e) écrivain(e) reconnu(e), une scénariste et une journaliste rigoureuse.
On peut notamment lire ses articles dans «Elle» ou encore «Psychologies» (critique littéraire)...
Né de père français et de mère anglaise elle cultive la double nationalité et explique que cela lui donne différents angles de vue.
Son dernier roman est publié chez EHO et s'intitule « Elle s'appelait Sarah ».
Voici le pitch:
Paris, mai 2002. Julia Jarmond, journaliste pour un magazine américain, est chargée de couvrir la commémoration de la rafle du Vel’ d’Hiv. Au cours de ses recherches, elle est confrontée au silence et à la honte qui entourent le sujet. Au fil des témoignages, elle découvre, avec horreur, le calvaire des familles juives raflées, et en particulier celui de Sarah. Contre l’avis des siens, Julia décide d’enquêter sur le destin de la fillette et de son frère. Soixante ans après, cela lui coûtera ce qu’elle a de plus cher. Paris, le 16 juillet 1942 : la rafle du Vel’ d’Hiv’. La police française fait irruption dans un appartement du Marais. Le petit Michel, paniqué, se cache dans un placard, et sa grande sœur Sarah, dix ans, l’enferme et emporte la clef en lui promettant de revenir. Mais elle est arrêtée et emmenée avec ses parents...
Sarah's Key, Roman traduit de l'anglais par Agnès Michaux.
-Tatiana tu es journaliste, écrivain et scénariste, multiples casquettes!:)
Pas trop difficile de gérer tout cela en plus de ton "job" de maman?
Je trouve que mon job de maman est le plus dur de tous ! Mais le plus important, peut-être, aussi…
-J'ai recensé 9 ouvrages depuis 1992, c'est bien cela? Lequel as-tu préféré écrire? Et lequel préfères-tu relire?:)
J’aime tous mes livres dans le sens où je les considère comme mes enfants de papier et ils correspondent chacun à des étapes dans ma vie d’auteur.
« La Mémoire des Murs » reste celui qui m’a fait passer un cap, j’ai souffert en l’écrivant, c’était un sujet ardu, difficile ; mais c’est ce roman là qui m’a ouvert la porte vers Sarah puisque j’ai écrit « Sarah’s Key » juste après, entre 2002 et 2003.
L’autre jour, j’ai relu certains passages de mon premier roman, « l’Appartement Témoin », écrit en 90, publié en 92. J’ai bien rigolé. Mais j’ai trouvé certains passages assez culottés.
-Tu as été édité chez Plon, Fayard, Pocket et à présent Héloïse d'Ormesson. Pourquoi changer de maison?
Fayard a refusé mon deuxième roman, alors je suis allée chez Plon, qui m’avait dit oui. Puis en 2003, Plon a refusé « Elle s’appelait Sarah », et j’ai rencontré Héloïse d’Ormesson en 2005 pour l’interviewer pour le journal ELLE, et ce roman s’est retrouvé entre ses mains…
-Quel est ton rapport avec EHO, j'entends beaucoup parler de cette maison d'édition qui me semble accueillante et surtout qui a l'air de privilégier l'humain.
Héloïse d’Ormesson et Gilles Cohen-Solal sont des éditeurs passionnés et généreux qui aiment leurs auteurs et les livres de leurs auteurs. Je suis fière de faire partie des auteurs EHO.
-Ton dernier livre "Elle s'appelait Sarah" est un énorme succès puisque pas moins de 14 pays en ont achetés les droits. Comment tu vis cela? Cela doit être intense de savoir que ses écrits traversent les frontières et qu'autant de lecteurs vont découvrir cette histoire!
Nous en sommes à 19 pays à présent, plus le futur film dont le scénario a été écrit par le romancier Serge Joncour.
Je suis encore sous la surprise de ce succès. Je ne m’y attendais pas du tout. Je suis émerveillée par les lettres quotidiennes que je reçois, les mails, les rencontres que je fais à travers ce livre.
J’ai été invitée par une classe de CM2, par des enfants de 10 ans qui ont lu Sarah et qui souhaitaient me connaître. Ce fut un moment inoubliable. Je suis très touchée aussi par le soutien des libraires qui ont défendu mon livre avec passion.
La semaine dernière, j’étais à la Foire du Livre de Frankfort où j’ai rencontré tous mes éditeurs étrangers grâce à EHO.
Encore un moment très fort, magique ! Oui, je suis heureuse de savoir que l’histoire de Sarah va être publiée dans tous ces pays différents qui ne connaissent pas tous forcément bien les évènements de juillet 1942.
-Le titre me rappelle la chanson de JJ Goldman, c'est voulu?:)
Le titre anglais est « Sarah’s Key », puisque j’ai écrit ce roman dans ma langue maternelle. Mais « La clef de Sarah » ne plaisait pas à Héloïse d’Ormesson et c’est Gilles Cohen-Solal qui a trouvé ce titre qui rappelle en effet « Comme toi » de Goldman.
-Parler de ces camps de l'horreur, décrire les souffrances de nos aînés, ce temps qui fait semblant de ne plus exister... Comment as-tu réussi à tenir le coup? Je te demande cela parce qu'étant d'un tempérament émotif il y a des choses que je ne peux écrire sans pleurer sur le clavier. Cette page de l'histoire est un tel tourment que tu as du aussi effectuer des recherches, peux-tu nous raconter tout ce cheminement?
J’ai écrit ce livre avec mon cœur et mes tripes.
J’ai mené une enquête comme le fait mon héroïne Julia Jarmond pour suivre le calvaire de ces 4000 enfants raflés en juillet 42. Peu de gens connaissent ce qui c’est passé exactement à Beaune la Rolande, comment les enfants ont été séparés de leurs parents, toujours par la police française.
Je savais que j’écrivais sur un sujet « vrai », qui a réellement existé, même si mon livre est un roman. Je n’ai voulu prendre aucune liberté avec les dates, les faits, les lieux.
Non, cela n’a pas été facile à écrire, parce que ces enfants là ont véritablement vécu ça, et ce qu’ils ont subi est parfaitement inhumain.
-Quel est le plus beau compliment que tu aies reçu sur ce livre?
Je dirais tout simplement que j’ai reçu des lettres bouleversantes de personnes qui ont vécu de près cette rafle et ces évènements.
-Je ne connais pas l'âge de tes enfants, donc difficile de savoir s'ils sont en âge de te lire mais si tel est le cas t'apportent-ils leurs regards?
Ils sont en âge de me lire (18 et 16) mais ils ne me lisent pas ! Je suis leur maman, cette personne un peu pénible qui gère leur vie de tous les jours, une maman, quoi !
-Je comprends tout à fait, mais je suis certaine que le jour où ils te découvriront sous un autre angle ils auront une admiration infinie ! Même si, je te l’accorde, être maman est un job passionnant !;)
-Lorsque tu écris, fais-tu relire à des proches au fur et à mesure? Est ce que leurs réactions, réflexions peuvent t'amener à modifier le cours de ton développement?
Oui, j’ai deux premiers lecteurs, Nicolas, l’homme de ma vie, et Laure, une amie très proche.
Ils me lisent au fur et à mesure.
Je tiens compte de toutes leurs remarques.
-Quelle est ta méthode d'écriture? Tu prépares un plan, des fiches avec les personnages, sais-tu toujours où tu vas?
Je n’ai pas de méthode pure et dure. J’écris plusieurs heures par jour, puis je corrige le soir ce que j’ai écrit le matin même. Je prends des notes dans un petit carnet mais je ne fais pas de plan, la structure du livre est déjà dans ma tête quand je le commence, et je sais en principe où je veux aller, mais j’ai déjà eu des surprises…
-J'aimerais savoir comment tu as réussi à faire publier ton tout premier ouvrage? Ton parcours, tes angoisses?
C’était en 1990, j’avais 28 ans.
J’avais déjà écrit plusieurs romans, j’ai commencé à 11 ans, j’avais déjà de nombreux manuscrits qui s’entassaient dans un carton, sans jamais avoir osé approcher un éditeur.
Puis j’ai pris mon courage à deux mains et j’ai envoyé « l’Appartement témoin » à cinq éditeurs par la poste.
J’ai eu rapidement des réponses négatives dont une qui s’adressait à «Monsieur Tatiana de Rosnay» ! Un éditeur (qui connaissait mon père) m’a reçue pour me dire poliment mais fermement que je devais «peut être songer à faire autre chose».
J’étais assez écrasée. Puis, longtemps après, alors que j’avais totalement oublié, Fayard a téléphoné pour m’annoncer qu’ils souhaitaient me publier. J’étais tellement hallucinée que j’ai cru que c’était mon frère qui me faisait une blague et je leur ai ri au nez.
-Si demain tu perdais la mémoire... Mémoire affective: famille, amis, enfance mais aussi professionnelle: écriture... Tu aurais envie de recommencer tout à zéro (l'occasion de changer qui l'on est au regard de nos proches) ou te battrais-tu pour retrouver tes souvenirs et continuer ton propre chemin?
L’idée de perdre la mémoire est tellement atroce que je préfère de même pas l’envisager !!
-J'ai vu que nous avions un point commun, tu t'es mise à l'écriture assez tôt: une dizaine d'années et tu as commencé pour ta mère, tu lui as dédié ce premier texte.
Est ce qu'elle l'a lu? Qu'en a t-elle pensé? Tes parents t'ont t-ils accompagnés dans ce choix d'artiste? Car même si aujourd'hui tu es aussi journaliste, être écrivain peut faire peur. On en vit rarement.
Oui, ma mère a beaucoup aimé ce petit roman en anglais pour son anniversaire. Mes parents m’ont encouragée dès le départ, dès ce premier roman écrit à 11 ans.
Je leur ai annoncé sérieusement : «Je veux être écrivain » et ils m’ont répondu tout aussi sérieusement : « Formidable. »
Merci à eux, car ils auraient pu me dire autre chose et me décourager en effet !
-D'où te viennent tes inspirations?
Le passé. Le présent. La vie de tous les jours. Les gens. Les secrets.
-Tu tiens un Blog, tu t'intéresses beaucoup aux autres, penses-tu qu'aujourd'hui la médiatisation passe par ce moyen? Est ce que c'est juste complémentaire? Est-ce que c'est juste du plaisir?
Je suis une grande internaute par plaisir et curiosité. Quand j’avais plus de temps, avant Sarah, j’allais beaucoup sur les blogs « livre » échanger des idées de lectures avec d’autres internautes et c’était très riche.
Le blog est un moyen de communication formidable, moderne et indispensable, qui fait partie d’une nouvelle forme de médiatisation.
Je communique ainsi avec mes lecteurs, tous pays confondus ! Cependant, je pense qu’en tant qu’écrivain, il faut savoir être lucide, se préserver, et prendre du recul avec humour à propos de certaines réactions véhémentes qu’un livre peut engendrer.
Tout le monde se tutoie sur le net et pense donc se « connaître ». Une fausse familiarité peut naître vis à vis d’un écrivain bloggeur et j’ai appris à être très vigilante. A présent, je préfère dire « vous » ! ;) (Mais je fais une exception pour toi ! J )
-Merci, je suis touchée ! Et je suis en accord total avec ce que tu viens de dire !;)
-Est ce tu trouves encore le temps de lire? Et surtout de choisir ce que tu lis?;)
Oui, bien sûr, puisque je lis les romans français pour Psychologies Magazine.
Là, je suis en train de lire tout ce que vous allez lire en janvier et février 2008. C’est passionnant !
Sinon, je lis beaucoup en anglais, j’aime tous les livres de Tracy Chevalier, de Maggie O’Farrell et de Ian McEwan.
-Quel est ton livre favori?
«Rebecca» de Daphné du Maurier.
-Quelle est ta chanson préférée?
-Tu as des projets? Un nouveau livre en préparation?:)
Oui, j’écris un nouveau roman qui (j’espère !) verra le jour en 2009, bien sur chez EHO.
Je suis dans la peau d’un homme de 43 ans, Antoine. Une partie du livre se déroule à Noirmoutier. Je l’écris en anglais.
J’en suis à la moitié, je crois….mais la promotion pour Sarah n’est pas finie, et j’ai parfois du mal à retrouver une certaine sérénité pour écrire ce nouveau roman.
-Ma question habituelle...;)
Tu es une femme heureuse dans la vie? Il te reste encore des rêves à accomplir?
Yes, je suis heureuse dans la vie. Des rêves à accomplir ? Mais je garde ces rêves là pour moi…ce sont mes secrets ! ;)
Merci à toi, Elisabeth.
Et longue vie à tes écrits. Et bravo pour ton blog! :)
The Cure - Lullaby
Vidéo envoyée par hakim93200
Je t'apprécie beaucoup Elisabeth et vous aussi Tatiana...
;o)
Rédigé par : Mandor, président de la FAPM | 29 octobre 2007 à 14:24
Merci pour cette belle interview Elisabeth.
Tatiana de Rosnay à l'air d'une personne toute simple...
Encore un livre à lire (même si je l'avais déjà reperé !)
Rédigé par : Marie-Laure | 29 octobre 2007 à 16:49
Chouette interview :D
Rédigé par : Jo Ann v. | 30 octobre 2007 à 01:17
(BTW, la photo avec les éditeurs est époustouflantes!)
Rédigé par : Jo Ann v. | 30 octobre 2007 à 01:19