Jo Ann von Haff est une auteure de celles que l’on n’oublie pas…
25 ans, la peau dorée par le soleil, née en Angola, elle a fait ses premiers pas à Cuba.
Une voyageuse, une nomade rêveuse qui ne cesse d’aller de l’avant, des origines allemandes, portugaises, espagnoles et namibiennes !
A son actif déjà 4 ouvrages et un 5ème en chantier, des poèmes, un blog et beaucoup d’enthousiasme!
Une jeune femme avec une personnalité attachante et exigeante, lectrice elle aime à noter chaque ouvrage et ne se laisse pas aller aux compromis.
-Jo Ann, qu’est ce qui t’a décidé à prendre la plume pour la première fois ?
J’ai pris la plume par pur mimétisme.
Préadolescente, je griffonnais quelques strophes et j’étais très fière de moi ! En 6ème, ma meilleure amie, une Anglaise qui me fascinait, écrivait de très longs poèmes. Je me suis dit, pourquoi pas moi ? Lorsque je suis arrivée en 5ème, j’avais déjà un grand nombre de poèmes en portugais à mon actif.
Pourtant, même si j’ai commencé par la poésie, j’ai développé très vite un plus grand goût pour inventer des histoires. J’ai tout de suite commencé par des romans à l’âge de 14 ans. Je n’ai pas débuté avec des contes ou des nouvelles. Pour ça, j’avais les rédactions à l’école !
A l’âge de 16 ans j’avais écrit mon premier «vrai» roman qui s’appelait «Sangue Azul» (Sang bleu : sang royal). Un conte de fées moderne avec des princes et des princesses européens !
-Comment écris-tu ? La nuit ? Le jour ? Dans les transports ?
J’écris la nuit presque exclusivement. J’écris de grandes lignes sur papier, je fais de grands schémas familiaux, des liens entre mes différents personnages, j’écris la carte d’identité de chacun d’eux…
La préparation d’un nouveau roman m’excite, toutes les idées étranges me passent par la tête. Avec le temps, je choisis les plus simples ;-)
Ensuite, je m’attaque à la mise en page. Je retape tout ce que j’ai écrit sur Wally (mon ordinateur), je peaufine, je modifie, le deuxième jet peut être très différent de celui que j’ai écrit sur papier.
Il y a une exception, c’est lorsque je participe au NaNoWriMo (nanowrimo.org), ce défi international qui consiste à écrire 50 000 mots en 30 jours à peine au mois de Novembre.
Même si j’écris surtout la nuit, je tape directement sur Wally. Il n’y a pas de temps à perdre et il faut toujours mettre le compteur de mots à jour.
J’ai toujours voyagé (train ou avion) avec des livres de brouillon parce que mes idées viennent souvent dans le désordre et je veux être à l’aise pour écrire quand ça me vient, peu importe où je suis. Ce qui n’est pas très pratique lorsque les déplacements se limitent au tramway ou au RER. Alors, en juillet 2006, lorsque je prenais mon petit-déjeuner à la Gare Centrale d’Amsterdam avec ma cousine, elle a jugé bon de m’offrir un carnet de la taille de mon passeport qui avait une corde qui s’enroulait tout autour que je pouvais garder dans mon sac à main le plus petit. C’était une idée géniale qui m’a beaucoup touchée. J’ai attendu de rentrer dans le train et de laisser ma cousine sur le quai pour m’y mettre immédiatement.
-Acceptes-tu facilement la critique ?
Je ne peux pas dire que j’accepte « facilement » la critique, mais j’accepte. Il me faut du temps pour digérer (une semaine ?) pour ne pas réagir à chaud (je fais ça aussi avec les e-mails !), mais après je prends note pour mes prochains travaux. J’ai envoyé une nouvelle pour la Revue des Ressources en Octobre/Novembre dernier, et les lecteurs ont écrit leurs avis (et refusé, bien sûr ;-)).
Mais même si pour quelques critiques on a mal, il faut être honnête avec soi-même. Beaucoup des mauvais points qu’on m’a donnés, je savais que c’était 100% vrai ! A moi de bosser.
J’ai réécrit la nouvelle, gardant mes propres rythme et envie, tout en me corrigeant et notant soigneusement les progrès à faire.
C’est comme ça que ça marche, et puisque je suis un tantinet perfectionniste, j’essaie vraiment de bien faire.
-Que pensent tes proches de ta passion ?
On m’a toujours vue en train d’écrire. A la maison, à l’école. Je l’ai toujours fait, et mes parents pensaient que c’était un hobby. Aujourd’hui, je travaille dur pour me faire un nom par moi-même, cesser d’être «fille de», pour m’améliorer non seulement en technique comme en trame. Et ma famille est très fière de moi, mes parents surtout. C’est touchant. Moi qui pensais être un échec ambulant, ça me soulage.
Une fois j’ai dit à mon père que je ne serai plus sa fille et que ce sera lui, le « père de »… Il a répondu qu’il l’espérait bien…
-Penses-tu pouvoir en vivre un jour ?
Bien sûr que je vivrais de l’écriture !
Et pour ceux qui pensent que je suis trop naïve, c’est qu’ils ne savent pas ce que je sais J
-« Croire en soi », est-ce pour toi un leitmotiv ?
Tous les jours je me dis «je vais y arriver», «cette année est la mienne», «tout ira très bien».
Tous les jours, tous les jours. Et si je ne me le dis pas, je le pense très fort ! :-D
Je crois dur comme fer que pour que les rêves se réalisent, il faut se le répéter souvent et lutter pour.
-Ton enfance n’a pas été facile, tu as côtoyé les bidonvilles, la misère… Qu’en ressort-il aujourd’hui dans ton caractère, tes valeurs ?
Si je veux être honnête, côtoyer la misère n’a jamais été la partie la moins facile de mon enfance. Elle a été difficile pour plein d’autres raisons. C’est peut-être étrange de dire cela, mais lorsqu’on grandit avec un certain environnement, il ne nous choque pas autant. Surtout que mon père est né dans un bidonville, et ma mère vit toujours devant ce même bidonville.
Depuis 21 ans, lorsque je repars à Luanda, je le revois et ça ne me repousse pas, c’est un arrière-plan familier.
Ce qui me choque (et repousse) le plus, c’est la saleté. J’ai une mère obsessionnelle, et à force, je le suis devenue aussi. Et dans les bidonvilles, il peut y avoir de coquets foyers. Je me sens à l’aise partout où je suis, pourvu que ce soit propre ! La dernière fois que j’étais en excursion dans la brousse angolaise, on a été accueilli dans une maison faite de terre. Ce qui m’a fait tourner de l’œil, crois-moi, c’est la farine de manioc. Même dans un palace, je ne m’y habituerai jamais ! Un truc de Sudiste, sûrement (en Angola, les gens du Sud comme moi, ne mangent pas de manioc mais plutôt du maïs).
Nos soucis sont ailleurs. J’ai grandi dans un pays en guerre, avec les privations de tous les genres qu’on connaît, d’eau, d’énergie, de nourriture, de médicaments alors que j’étais un enfant très malade. En faisant un test psychologique, j’ai découvert que j’étais traumatisée par la guerre alors que je pensais que les atrocités m’étaient épargnées. Cependant, lorsqu’on me demande ma plus grande peur, c’est sûrement d’être tuée à coups de machette…
Nous autres, tiers-mondistes, avons appris le système D. Nous savons faire sans eau courante, sans électricité et avec des patates. J’ai bien grandi. Alors si aujourd’hui je peux me réjouir de manger des sushis et de travailler la nuit sur mon laptop, il y a eu une sacrée évolution.
Mais je n’oublie pas que tout peut recommencer…
-Tu écris dans de multiples langues ? Quelle est ta favorite ?
J’ai la chance d’être multilingue. Ayant grandi entre Cuba, l’Angola et le Portugal, dans un système français, à l’âge de trois ans, je parlais l’espagnol, le français et le portugais comme si j’étais native dans les trois langues. Après notre départ de Cuba, mon espagnol est devenu proche du nul, mais je l’ai vite remplacé par l’anglais, que j’ai dû apprendre sous la pression et très vite en Afrique du Sud. Je suis très à l’aise pour apprendre d’autres langues (sauf l’allemand) et j’adore ça.
Si j’ai commencé ma «carrière d’auteure» par de la poésie en portugais ainsi que mes premiers (faux-vrais) romans, très vite, je me suis tournée vers le français qui était et est toujours ma langue de cœur. J’ai toujours été française dans mon éducation, de la maternelle jusqu’à présent. J’ai appris à écrire et lire en portugais très tard et toute seule, j’ai commencé à avoir de vrais cours en CM2 lorsque nous sommes arrivés au Portugal.
Très vite, écrire en français est devenu une évidence. Mes romans (les vrais de vrais, ceux avec qui je démarchais les éditeurs) sont tous en français. J’avais délaissé la poésie depuis des années jusqu’en 2004, où j’ai recommencé à écrire, mais cette fois-ci en anglais. Une manière d’exprimer mes sentiments sans pour autant quitter ma pudeur.
Aujourd’hui, je me partage entre prose en français et poésie en anglais. Curieusement, jamais en portugais qui est pourtant ma langue maternelle. Je n’ai pas encore saisi mon déni ;-)
-Peux-tu nous parler de ton actualité littéraire ?
J’ai trois projets en cours. Ma nouvelle «A thin line» sera publiée sur le site de la Revue des Ressources le 10 mars. J’écris rarement des nouvelles et celle-là n’est pas du tout le genre que j’écris normalement.
Je vais participer à un nouveau journal électronique lusophone bientôt, je dois encore réfléchir comment je vais pouvoir m’y investir.
Et, last but not least, j’espère pouvoir vous présenter mon roman « Fille du Vent » que j’ai écrit pour le NaNoWriMo en 2006 très rapidement ! J
-Quel est ton livre de chevet ?
Bizarrement, je n’en ai pas. Il n’y a pas un livre en particulier que je vais sauver du feu en cas d’incendie.
Bien sûr j’essaierais de tous les sauver, mais peut-être que ce serait mon dernier coup de cœur, datant d’octobre ! «Le dernier Caton» de Matilde Asensi. Je suis devenue fan de l’auteure espagnole en quelques pages !
-Quelles sont les musiques qui t’accompagnent ?
J’aime beaucoup le silence et je le recherche souvent. Le silence et la solitude. Je peux vivre des jours sans fin dans le silence et sans parler.
Mais lorsque j’écoute de la musique, j’ai de la préférence pour le kizomba (afro-zouk) qui me fait vibrer ; la musique brésilienne, que ce soit du forró/axé qui me fait bouger et me met tout de suite de bonne humeur, que ce soit la MPB avec Caetano Veloso ou la nouvelle musique brésilienne comme Adriana Calcanhotto que j’adore (et que j’ai vu que tu aimais aussi !).
Je suis très commerciale, si j’aime la mélodie, j’adhère, genre Timbaland ou Plain White T’s.
Peu importe ce que les experts en pensent ;-). Mais je peux aller au-delà des chantiers battus et adorer The Idan Raichel Project, un collectif israélien et éthiopiens (et que je conseille vivement).
-Ton dernier fou rire ?
Ça fait longtemps. Je ne m’en souviens plus.
-Dis-moi Jo Ann, tu es une jeune femme heureuse dans la vie ? Il te reste encore des rêves à accomplir ?
Je ne suis pas malheureuse.
Et j’ai énormément de rêves ! Je n’ai que 25 ans, dire le contraire aurait fait de moi une fille blasée ! J’ai eu beaucoup de chance dans ma vie, j’ai beaucoup voyagé, j’ai beaucoup vu, j’ai beaucoup vécu. Je n’ai peut-être pas toujours pris les bonnes décisions, j’ai déjà beaucoup d’échecs à mon actif. Je ne rêve que de me relever à chaque fois que je tombe et de mener mes projets à bien.
Je rêve, par exemple, de venir te parler très vite de mon roman « Fille du Vent » et je rêve d’avoir tes commentaires de lecture. Mais ce n’est pas encore d’actualité.
Bientôt ?
Merci Jo pour toutes ces réponses sincères et touchantes, j’ai hâte que tu nous présentes « Fille du vent » !
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